Finances locales : le point sur la réforme de la taxe d’habitation

18 octobre 2017

Depuis le premier janvier 2011, la taxe d’habitation est recouvrée au profit des communes et de leurs groupements à fiscalité propre. La loi de finances rectificative du 13 juillet 2000 avait déjà supprimé la part régionale et la loi de finances pour 2010 a transféré la part départementale au « bloc communal ».

Dans son programme de campagne, Emmanuel Macron avait annoncé une réforme en profondeur de la TH : pour mettre fin à la lourdeur et aux injustices de l’impôt, il souhaitait que « d’ici 2020, 4 Français sur 5 ne paient plus la taxe d’habitation sur leur résidence principale ».

Les modalités envisagées de la réforme de la TH ont été précisées lors de la Conférence nationale des territoires (CNT) du 17 juillet et déclinées, en partie, dans la première partie du projet de loi de finances pour 2018 (article 3). De nouvelles précisions seront apportées le 14 décembre, date de la prochaine Conférence nationale des territoires. 

1. Historique de la taxe d’habitation 

La contribution mobilière, instituée par un décret du 13 janvier 1791, se présentait, à l’origine, comme un impôt sur le revenu frappant tous les revenus autres que ceux provenant de biens fonciers. Elle se décomposait en une part revenant à l’État (le « principal de la contribution personnelle mobilière ») et une part alimentant les budgets des communes et des départements (les « centimes additionnels de la contribution personnelle mobilière »). Cet impôt était assis sur les facultés apparentes des contribuables appréciées en fonction de l’utilisation des domestiques, de la possession de voitures et de chevaux et surtout de l’importance du loyer.

Comme les autres impôts directs locaux, la contribution mobilière a été l’objet de nombreuses et vives critiques : outre la rigidité du système des centimes additionnels, les inégalités engendrées par le procédé étaient souvent pointées du doigt. 

L’ordonnance du 7 janvier 1959 portant réforme des impositions perçues au profit des collectivités territoriales et de divers organismes, sans avoir été appliquée, a défini « une architecture d’ensemble d’une refonte qui sera mise en œuvre par les textes ultérieurs ». Elle envisageait notamment de remplacer la contribution mobilière par la taxe d’habitation, d’actualiser et de simplifier les bases d’imposition et de remplacer le mécanisme de la répartition par celui de la quotité (c’est-à-dire, l’octroi aux collectivités territoriales du droit de voter directement les taux d’imposition). Cette ordonnance ne constituant qu’une simple « orientation », une réforme ultérieure devait intervenir pour donner corps à ces dispositions.

Les lois du 31 décembre 1973 sur la modernisation des bases de la fiscalité locale (création de la TH) et du 10 janvier 1980 portant aménagement de la fiscalité directe locale (vote direct des taux) sont intervenues dans ce sens. 

2. Progression de la taxe d’habitation 

Depuis sa mise en place en 1974, la TH a connu une progression importante.

L’augmentation du nombre d’assujettis s’est accompagnée d’une augmentation sensible du produit global de cette taxe ainsi que des cotisations individuelles : en 1973, le produit des quatre vieilles correspondait à 18 % des impôts d’État. En 2013, le seul produit de la TH équivaut à plus de 28 % de l’impôt sur le revenu. Cette progression trouve largement son explication dans l’augmentation des besoins de financement des collectivités territoriales et dans l’insuffisance des transferts financiers de l’Etat.

La taxe d’habitation représente aujourd’hui environ un tiers des recettes fiscales des communes, pèse pour 1,4 % du revenu disponible des ménages (rapport OFCE).

3. Critique de la taxe d’habitation 

Outre cette progression, la TH entraine des injustices sociales (distorsions importantes entre contribuables d’une même commune) et des injustices territoriales (distorsions entre les communes et établissements publics de coopération intercommunale).

Lors de la CNT de juillet 2017, le Président de la République motivait sa réforme sur le caractère injuste de la TH : « C’est un impôt qui ne prend pas en compte les capacités contributives des citoyens. Il est donc injuste socialement et il est injuste territorialement car il est plus élevé dans les villes périphériques ou les centres bourgs de province que dans les grandes villes ». 

Ces injustices sociales tiennent à l’insuffisante prise en compte des capacités contributives. Mais de nombreux abattements, dégrèvements et exonérations sont prévus dans le but d’accentuer la personnalisation de cet impôt. Les abattements obligatoires[1] ou facultatifs[2] visent à alléger la charge fiscale des familles (pour leurs résidences principales). Les dégrèvements totaux ou partiels ainsi que les exonérations visent à alléger la charge notamment celles des personnes de conditions modestes.

Les injustices territoriales tiennent à l’obsolescence des valeurs locatives cadastrales pour les logements à usage d’habitation.

L’OFCE détaille ainsi que 20 % des communes françaises affichent une part de taxe d’habitation inférieure à 2,2 % du revenu médian des ménages de la commune, et qu’à l’opposé, la part de la taxe d’habitation dans le revenu médian communal dépasse 3,6 % dans 20 % des communes françaises. Par exemple, alors que le revenu médian est proche à Poitiers et à Cognac, la taxe d’habitation moyenne est de 592 euros à Cognac (3,3 % du revenu médian) quand elle s’élève à 1 099 euros à Poitiers (6,3 % du revenu médian).

Aussi, les taux fixés par les collectivités locales diffèrent sensiblement selon les communes. Aussi, selon la Direction générale des collectivités locales (DGCL), en 2016, le produit variait de 198 € par habitant (en moyenne) dans les communes de moins de 200 habitants, à 416 € par habitant dans les communes de 100 000 habitants et plus.

Pour parer les inégalités engendrées par cet impôt sans porter atteinte à l’autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales, l’APVF avait suggéré d’une part, d’intégrer dans l’assiette de l’ensemble des foyers fiscaux redevables, une part « revenu » et d’autre part, de mener à bien la révision des valeurs locatives cadastrales pour les logements à usage d’habitation. Ces dispositifs pouvaient être assortis d’un fonds de compensation à vocation péréquatrice.

La réforme de la taxe d’habitation par le PLF 2018 (article 3) est motivée par la réduction des inégalités sociales mais elle n’agit pas sur les inégalités territoriales. En l’état, la réforme risque de les figer, voire de les aggraver et d’en créer de nouvelles.

4. Réforme de la taxe d’habitation (article 3 du PLF 2018)

 
A compter des impositions de 2018, un nouveau dégrèvement sera institué qui, s’ajoutant aux exonérations existantes, devrait permettre à 80 % (78 % selon les chiffres du rapport de l’OFCE) des foyers d’être dispensés progressivement (sur trois ans) du paiement de la taxe d’habitation (TH) au titre de leur résidence principale, d’ici 2022. Cette réforme devrait coûter 10 milliards d’euros à l’Etat qui prend l’engagement solennel d’une compensation à l’euro près.  

Deux conditions cumulatives pour bénéficier du dégrèvement de la TH :

  • les ressources du foyer ne doivent pas dépasser les revenus fiscaux de référence (RFR) suivants : 27 000 euros pour un célibataire, de 43 000 euros pour un couple sans enfant et de 49 000 euros pour un couple avec un enfant (6 000 euros pour la demi-part supplémentaire) ;
  • le dégrèvement de la TH ne concerne que la résidence principale du foyer.

« Pour éviter les effets de seuil », un droit à dégrèvement dégressif sera accordé aux foyers se situant entre les limites précédentes et une limite légèrement supérieure : lorsque le RFR est entre 27 000 et 28 000 euros pour un célibataire ; entre 43 000 et 45 000 euros pour un couple sans enfant ; entre 49 000 et 51 000 euros pour un couple avec un enfant.

« Pour préserver l’autonomie financière des collectivités territoriales », l’Etat prendra en charge les dégrèvements dans la limite des taux et des abattements en vigueur pour les impositions de 2017. Les éventuelles augmentations de taux ou d’abattements seront supportés par les contribuables.

Un mécanisme de limitation des hausses de taux décidées ultérieurement par les collectivités, et de prise en charge de leurs conséquences, sera discuté lors de la Conférence nationale des territoires.

5. Points de vigilance

 
Sur les injustices figées et engendrées par la réforme :
  • les taux de la TH continueront à être fixés, pour 20 % des locataires/propriétaires de résidence principales, sur des bases obsolètes. Les personnes qui resteront assujetties seront doublement pénalisées (obsolescence des bases + hausse des taux de TH). 
  • dans les villes où les revenus sont très faibles (inférieurs au revenu fiscal de référence), le pourcentage de personnes dégrévées sera nettement plus important que dans d’autres villes. La conséquence pour celles-ci : une réduction proportionnelle de leur pouvoir fiscal. Selon la Direction générale des collectivités locales (DGCL), en 2016, le produit variait de 198 € par habitant (en moyenne) dans les communes de moins de 200 habitants, à 416 € par habitant dans les communes de 100 000 habitants et plus.

Sur la compensation de la suppression de la TH pour 80 % des ménages :

La compensation à l’euro près de la suppression pour 80 % des ménages, appelle de sérieuses garanties pour l’avenir. En témoigne, l’expérience de la suppression de la part régionale de TH en 2000 (dégrèvement devenu exonération en 2001 et dont la compensation demeure aujourd’hui quasi nulle) et la compensation de la suppression de la taxe professionnelle intégrée au périmètre des variables d’ajustement et dont le montant est minoré chaque année pour financer la péréquation verticale.