Repenser la fiscalité locale
Dès 2018, la taxe d’habitation sera bien supprimée sur trois ans pour 80% des foyers fiscaux. Cette mesure se justifie par l’injustice sociale de cet impôt dans la mesure où il ne prend pas en compte les capacités contributrices des habitants et par son injustice territoriale puisqu’il défavorise les territoires périphériques et les bourgs-centre dans lesquels la taxe est souvent plus élevées que dans les grandes villes.
Une commission qui devra associer les élus locaux se réunira "jusqu’au printemps prochain" afin de formuler des propositions qui devront respecter les principes d’autonomie fiscale et de lien fiscal entre les habitants et la commune. Le président de la République a souhaité que dans ce cadre, "on réfléchisse éventuellement" à l’attribution aux communes d’une part d’impôt national, "qui pourrait être une part de CSG ou de CRDS". C’est-à-dire des impôts proportionnels au revenu de ceux qui les paient. Quoi qu’il en soit, la suppression de la taxe d’habitation sera assortie d’un « mécanisme de compensation » qui permettra « la compensation financière pour les collectivités sans leur faire perdre la liberté de taux » a assuré le chef de l’Etat.
Toujours en matière de finances locales, le président de la République a souhaité que la conférence nationale des territoires débatte jusqu’au printemps prochain de l’évolution du financement du RSA, avec deux pistes possibles : soit la recentralisation et la reprise en main par l’Etat du RSA (option qui a sa préférence), soit l’amélioration de la compensation assortie du renforcement de la péréquation entre les départements.
Le chef de l’Etat a ensuite confirmé la réactualisation à 13 milliards de l’objectif d’économie de fonctionnement fixé aux collectivités locales sur le quinquennat, trois milliards de plus qu’annoncé pendant sa campagne justifiés par l’audit des finances publiques. Toutefois, le Président de la République s’est engagé à ne pas actionner d’emblée le levier de la baisse des dotations. Il préfère « faire confiance » aux élus locaux pour réaliser d’eux même ces efforts quitte à ensuite sanctionner les collectivités qui ne joueront pas le jeu sans toutefois préciser comment serait appliquée cette sanction…. "Je crois à la logique de confiance, en la capacité que nous avons de procéder à des économies intelligentes", a-t-il affirmé.
Enfin, le Président de la République a rejeté l’idée d’une révision des valeurs locatives des locaux d’habitation. "Je vous propose qu’on gagne collectivement du temps en n’essayant pas de refaire des batailles qui ont déjà été conduites, déjà perdues et qui, objectivement, ne permettent pas de répondre aux défis de nos concitoyens", a plaidé le chef de l’Etat.
Favoriser les expérimentations locales et laisser plus de latitudes aux élus locaux
A la place de la baisse des dotations Emmanuel Macron propose, dans le cadre de son "pacte financier", que les élus locaux aient la capacité de produire « des économies intelligentes ». Ils disposeront à cette fin de « plus de libertés pour organiser leurs collectivités ». L’Etat "n’imposera pas" de regroupements de communes et de départements, il n’y aura pas de « Grand soir territorial ». Mais, dans le cadre des pactes girondins que le président de la République avait évoqués le 3 juillet devant le Congrès à Versailles, il "accompagnera" les regroupements que les élus locaux mettront en place. A condition toutefois que ces fusions simplifient l’organisation territoriale, permettent des économies et n’accroissent pas les inégalités et les déséquilibres territoriaux, a souligné Emmanuel Macron.
Le président de la République veut aussi favoriser les expérimentations locales. Il a promis de lever l’actuelle obligation d’une généralisation des expérimentations sur tout le territoire au bout de deux années, qui constitue un véritable "verrou". Si pour cela une modification de la Constitution est nécessaire, elle trouvera sa place dans le projet de révision du texte fondamental devant le Congrès.
Le président de la République souhaite par ailleurs moderniser la fonction publique, en particulier sa gestion. Sa proposition phare porte sur le point d’indice qui pourrait être, selon lui, « différencié » selon les trois versants de la fonction publique.
Réduire le nombre des élus locaux et procéder aux ajustements nécessaires en matière de compétences
S’agissant des compétences des collectivités Emmanuel MACRON s’est dit ouvert à des "adaptations législatives pour corriger des éléments d’aberration qui remontent du terrain." "Sur l’eau je vous ai entendu", a confié le chef de l’Etat faisant allusion au transfert obligatoire au 1er janvier 2020 de cette compétence aux communautés de communes. Sur les transports scolaires, idem.
Emmanuel MACRON s’est également déclaré hier « disposé à ce que l’Etat délègue en tant que besoin ses compétences en matière économique, sociale ou d’aménagement si l’intérêt local le justifie. « Je souhaite notamment que le gouvernement poursuive le partenariat privilégié engagé avec les régions en 2016 en matière de développement économique et d’emploi et je suis prêt dans ce cadre à envisager de nouvelles délégations de compétence ou des transferts de structures aux régions qui le souhaitent ». Cette délégation pourra s’accompagner aussi d’un transfert du pouvoir réglementaire d’adaptation des normes juridiques aux réalités locales ».
Le chef de l’Etat a confirmé qu’il entend aussi donner plus de libertés aux employeurs publics locaux pour gérer leurs agents, en associant les syndicats de fonctionnaires à ces changements. Toujours parmi les pistes d’économies, le président de la République a cité la réduction du nombre des élus locaux. Après avoir annoncé, le 3 juillet, la réduction d’un tiers du nombre des parlementaires, "nos concitoyens ne comprendraient pas (un) traitement différencié", a-t-il avancé. En ajoutant que les élus locaux seraient certes moins nombreux, mais "mieux protégés, mieux rémunérés et plus libres de leur action."
Lutter contre l’inflation des normes
Le président de la République s’est de nouveau déclaré favorable à une "revue générale des normes" et à l’application du principe « 2 pour 1 : pour toute nouvelle norme pesant sur les collectivités territoriales, deux autres devront être supprimées ». Emmanuel MACRON souhaite également un renforcement du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) : il a appelé à ce que l’analyse des coûts induits par les nouvelles normes "puisse être retranscrit" dans les "relations financières" entre l’Etat et les collectivités territoriales. « Il doit être associé plus en amont dans le processus normatif. Le Premier ministre s’assurera que tous les textes qui concernent les collectivités passent sur son tamis. »
Créer une Agence pour la cohésion des territoires
Parmi les annonces d’Emmanuel Macron, la création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires a créé la surprise. Cette nouvelle structure, destinée à répondre au besoin de lutte contre les fractures territoriales, sera appelée à travailler en direct avec les régions. Cette agence serait censée apporter un appui en matière d’ingénierie publique, au profit du monde rural et des villes petites et moyennes en difficulté.
Dans la logique de l’Agence nationale de rénovation urbaine, il s’agirait de créer une sorte de guichet unique sur les territoires, pour ce qui relève du développement local, et de simplifier l’accès aux dispositifs existants. Plus largement, il s’agit de créer une sorte de guichet unique sur les territoires, pour ce qui relève du développement local et de simplifier l’accès aux dispositifs existants.
Rappelons que l’APVF appelait de ses vœux la création d’une telle agence dans son Manifeste à l’attention des candidats à l’élection présidentielle.
Accélérer la couverture numérique du territoire
Parmi les autres annonces figure celle de la couverture de la France entière "en haut et très haut débit" d’ici "à la fin de l’année 2020", soit avec deux ans d’avance sur le plan de la précédente majorité. « Je me suis engagé à la couverture intégrale pour tous les Français en très haut débit. Je souhaite encore accélérer ce calendrier afin de parvenir à une couverture en haut et très haut débit d’ici la fin de l’année 2020. » Il a par ailleurs précisé que cet objectif ne serait atteignable qu’en envisageant les complémentarités technologiques, entre la fibre et l’Internet mobile : « Il est impossible de tenir la promesse de tirer de la fibre dans tous les logements de la République. » Il faudra également jouer sur la complémentarité avec le déploiement satellite.
La réaction de l’APVF
L’APVF, qui demande depuis longtemps la tenue régulière d’une telle instance de concertation entre l’Etat et les associations d’élus se réjouit de l’organisation de cette conférence tenue en présence du Président de la République et du Premier ministre.
Elle porte un jugement positif sur un certain nombre d’annonces faites par le Président de la République, et notamment celle portant sur l’accélération de la couverture numérique du territoire mais aussi sur la création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires ou encore sur l’attention nouvelle portée aux questions de revitalisation des cœurs de villes petites et moyennes qui se posent avec acuité dans nombre de petites villes.
En revanche, l’APVF ne peut que réitérer ses inquiétudes concernant les annonces portant sur les relations financières entre l’Etat et les collectivités. Si elle prend acte avec soulagement de la confirmation par le Président de la République d’une absence de nouvelle baisse uniforme des dotations dans le projet de loi de finances 2018, elle s’interroge sur la soutenabilité pour de très nombreuses petites villes d’une baisse des dépenses locales portée maintenant à 13 milliards d’euros pour la durée du quinquennat.
L’APVF rappelle à ce sujet que ce sont les collectivités locales qui ont toutes ces dernières années le plus contribué à la réduction des déficits publics et qu’il sera difficile, pour de nombreuses collectivités d’aller encore plus loin, dans l’effort consenti, sous peine de nouvelles coupes drastiques dans le fonctionnement des services publics locaux et d’un effondrement de l’investissement public local qui porterait un coup à la reprise de la croissance. C’est un constat qui a été établi par le dernier rapport annuel de la Cour des Comptes sur la gestion des administrations publiques locales.
De surcroit, l’APVF émet de fortes réserves concernant la confirmation que le Président de la République de l’exonération de la taxe fiscale pour 80% des contribuables. Outre des difficultés constitutionnelles, Olivier DUSSOPT s’est d’une part interrogé sur la compatibilité de cette réforme avec l’objectif d’une révision d’ensemble de la fiscalité locale voulue par le Président de la République, mais qui à l’évidence ne sera pas menée dans le prochain budget, et d’autre part, sur la pérennité de la compensation par l’Etat de la suppression presque totale de cet impôt. « Dans ce domaine, la précipitation ne semble pas cohérente avec la réussite d’une vaste réflexion sur les finances locales, à laquelle l’APVF souhaite apporter sa contribution » a ajouté le Président de l’APVF.