La crise des centres-villes ne fait plus de doute. C’est d’ailleurs le nouveau marronnier de la presse quotidienne régionale, voire des médias nationaux. Le journal Le Monde y consacrait un dossier complet il y a quelques semaines. Les chiffres sont éloquents et parlent d’eux même ! Mis à part dans les communes touristiques, le taux de vacance commerciale – c’est-à-dire le nombre de magasins inexploités – avoisine en moyenne les 10% dans les petites villes contre 6,8% dans les métropoles. A La Fleche, Lannion, Montereau, Pamiers, Castelnaudary ou Annonay ce taux dépasse même les 15% !
Comment expliquer ce phénomène ?
Premièrement, le déclin industriel et démographique dans beaucoup de sous-préfectures départementales, tout comme le départ de nombreux équipements publics (casernes, hôpitaux ou tribunaux) dans certaines villes victimes de la RGPP ont évidemment joué un rôle important. Je pense par exemple à la ville de Joigny, véritable « ville martyre » de la RGPP. De manière générale, l’INSEE estime que près de 20% des petites aires urbaines ont connu une décroissance de leur population entre 2008 et 2011.
Deuxièmement, l’essor des centres commerciaux en périphérie. 800 000 m² commerciaux se créent chaque année. En 15 ans, les surfaces commerciales ont quasiment doublé. En 2015, on ne recensait pas moins d’une vingtaine d’ouvertures de centres commerciaux ! Sans jeter la pierre à quiconque, il serait souhaitable au cours de cette matinée de nous interroger, nous autres élus locaux, sur notre responsabilité dans cette évolution. Ajouter à la multiplication des centres commerciaux un climat économique morose et surtout, la concurrence du e-commerce qui ne cesse d’augmenter, et vous obtenez une baisse mécanique du chiffre d’affaires au mètre carré des commerces de centre ville, et donc une hausse de la vacance.
Autre obstacle au développement du commerce en centre-ville : le prix des loyers. Pour Paul le Bihan, Maire de Lannion dans les Côtes-d’Armor et membre de l’APVF, « Les loyers ne baissent pas, même avec la persistance d’un taux de vacance élevé. Les propriétaires préfèrent laisser un espace vide plutôt que de le louer ou de vendre, en dessous d’un certain seuil ».
Enfin, l’étalement urbain et la périurbanisation auxquels on assiste depuis plusieurs années ont bien entendu fragilisé le commerce de centre-ville qui a vu sa clientèle se réduire drastiquement. Pas de clients, pas de commerçants, c’est évident ! Le manque de diversité des logements en centre-ville, souvent trop petits et mal adaptés pour les familles, engendre une désertification, et souvent, une paupérisation des centres villes qui souffrent donc d’une concurrence des périphéries, tant en matière de logement qu’en matière de commerce. On l’oublie trop souvent mais on a assisté à un déménagement urbain, un étalement qui profite aux zones périphériques.
C’est pour cela qu’il faut aborder le sujet de manière globale et transversale !
Aujourd’hui, l’heure n’est plus aux actions ponctuelles : la mutation ne passera que par des stratégies globales.
On l’a vu, la tendance est incontestablement mauvaise. Mais les élus sont-ils impuissants pour autant ? Sont-ils contraints à observer, passifs, les rues se vider, les commerces mettre la clé sous la porte, et leur ville se paupériser ? Les maires et présidents d’intercommunalité ont plus de cartes en main qu’ils ne l’imaginent. Nous le verrons au cours de la matinée.
Du côté de l’Etat, la prise de conscience est lente mais réelle.
En juin 2014, a été lancé un programme de revitalisation des centres bourgs, destiné aux communes de moins de 10 000 habitants, pour lequel 54 communes – dont 18 membres de l’APVF – ont été retenues après identification de sites par les préfets.
Lors du Comité Interministériel aux ruralités de mars 2015, a été annoncé un nouveau programme de 300 millions d’euros, destiné cette fois aux bourgs centres et aux villes de moins de 50 000 habitants. Des enveloppes régionales ont été affectées, charge aux préfets d’identifier des sites ou de lancer des appels à projet. Les premières remontées des communes sélectionnées commencent à nous arriver.
Enfin, les dernières annonces du Président de la République au Congrès des Maires le 2 juin dernier nous redonnent un peu d’espoir puisque François HOLLANDE a annoncé la reconduction du fonds de soutien à l’investissement local en 2017. Ce fonds d’un milliard en 2016 va atteindre la somme de 1,2 milliards l’an prochain, dont 400 millions d’euros d’abondement de la DETR. Ce sont au total 600M€ qui profiteront aux bourgs-centres et à la ruralité dans la mise en œuvre de ce fonds.
L’Etat s’efforce également d’impliquer davantage d’acteurs locaux dans le contrôle des implantations des grandes surfaces commerciales potentiellement concurrentes pour les commerces de centres-villes. Désormais, l’ensemble des collectivités, y compris les petites villes, ont un représentant au sein des commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC) qui se prononcent sur les autorisations d’exploitation commerciale.
D’autre part, Sylvia PINEL a récemment créé les « contrats de revitalisation commerciale » qui permettent aux communes d’exercer un droit de préemption renforcé et de réimplanter des commerces dans leurs centres-villes. Jusqu’à présent les dispositifs de préemption étaient souvent complexes et représentaient un coût financier difficile à assumer pour certaines communes. Les « contrats de revitalisation » permettent de mutualiser des moyens ou d’avoir recours à des acteurs mieux outillés comme des sociétés d’économie mixte ou des Etablissements Publics Foncier pour pouvoir réimplanter des commerces de proximité attractifs, diversifiés et conformes aux attentes des habitants. Ce dispositif permet également d’allonger le délai dont dispose la commune pour rétrocéder le fonds à un commerçant de 2 à 3 ans pour lui permettre d’avoir suffisamment de temps pour identifier un repreneur.
Pour poursuivre cet effort et encourager une approche transversale, Martine PINVILLE, Secrétaire d’Etat chargée du commerce, a engagé le 5 février dernier, avec le Ministère en charge de l’Égalité des territoires, une mission conjointe confiée à deux inspecteurs des finances sur la revitalisation des commerces de centre-ville. Cette mission se focalise notamment sur les communes de petites et moyennes tailles et vise à faire le bilan de l’efficacité des outils existants et à formuler de nouvelles propositions. Nous attendons les résultats de cette mission dans les prochaines semaines.
Enfin, le FISAC a été maintenu même si les crédits alloués ont fortement baissé et que nous sommes passés d’une logique de guichet à un dispositif d’appels à projets.
La Caisse des Dépôts et consignations s’implique également de plus en plus. La CDC a placé la redynamisation des centres villes parmi ses actions prioritaires.
De son côté, l’APVF est en discussion avec CCI France pour construire un partenariat qui aura pour objectif de consolider la collaboration entre élus de petites villes et les CCI afin de renforcer leurs connaissances réciproques du territoire et d’accompagner les Maires dans l’application d’une réglementation commerciale de plus en plus complexe.
Nos centres villes ont des atouts à faire valoir et le commerce de proximité n’est pas voué à disparaitre ! La proximité devient au contraire un nouvel enjeu de l’attractivité pour nos communes.
Durant cette journée, nous nous sommes éfforcer de présenter les principaux outils favorisant une politique commerciale ambitieuse et active. Quelles actions mener pour une revitalisation du centre ? Quels leviers actionner pour renforcer l’attractivité ? A travers différents exemples, nous avons passé en revue divers moyens d’action, de concertation et d’animation impliquant les communes, les associations de commerçants et les autres acteurs locaux.
Qu’il s’agisse de mobiliser les commerçants comme à Figeac, de repenser le stationnement comme à Marmande, de développer des animations locales comme à Libourne ou de redéfinir une nouvelle centralité comme à Thouars, nous avons vu qu’il existe divers solutions pour mener une revitalisation efficace du centre-ville.