Le vote en nouvelle lecture du projet de loi fait suite à l’échec de la commission mixte paritaire et sera suivi d’une nouvelle lecture au Sénat. En cas de désaccord entre les deux chambres, l’Assemblée nationale aura le dernier. L’APVF est restée, tout au long des différentes lectures du texte, particulièrement attentive. Elle a ainsi été auditionnée par la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale le 5 février 2015 et été reçue par Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes le 8 octobre 2015.
Plusieurs mesures largement médiatisées ont été adoptées : généralisation du tiers-payant, paquet de cigarettes neutre à partir du 20 mai 2016, assouplissement de la loi Evin (possibilité ouverte, notamment aux régions de production, de « communiquer » sur le vin (et les boissons alcooliques en général)), habilitation des polices municipales à contrôler les infractions relatives au tabac et expérimentation pendant six ans de salles de consommation de drogue à moindre risque (« salles de shoot ») par les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques chez les usagers de drogue (Caarud), en concertation avec les maires concernés.
D’autres mesures doivent avoir un impact bien plus important sur les collectivités territoriales, notamment en matière d’organisation et de répartition des soins sur le territoire et de dialogue territorial.
Lutte contre les déserts médicaux
Alors que l’APVF a fait de l’accessibilité et de la disponibilité des soins l’une de ses priorités en matière de santé, elle approuve l’intégration dans le projet de loi du pacte territoire-santé. Créé en 2012, il a pour but de lutter contre les déserts médicaux. Marisol Touraine a annoncé la seconde phase de ce pacte, qui renforce les mesures de 2012 et en intègre de nouvelles, le 26 novembre. Vous en retrouverez les détails dans l’article suivant. L’APVF encourage les différents dispositifs annoncés, qui vont dans le bon sens, mais appelle à poursuivre les efforts engagés dans ce domaine.
Organisation territoriale des soins
L’un des objectifs initiaux du projet de loi est d’améliorer la cohérence territoriale de l’organisation des soins. Dans ce cadre, l’article 38 redéfinit largement l’élaboration des plans régionaux de santé. Désormais, les projets régionaux de santé (PRS) seront redéfinis afin d’éviter l’approche segmentée de l’organisation régionale (schéma régional de prévention, schéma régional d’organisation des soins – SROS, et schéma régional d’organisation médico-social – SROMS). Le PRS sera composé « d’un schéma régional de santé, établi pour cinq ans sur la base d’une évaluation des besoins sanitaires, sociaux et médico-sociaux et qui détermine, pour l’ensemble de l’offre de soins et de services de santé, y compris en matière de prévention, de promotion de la santé et d’accompagnement médico-social, des prévisions d’évolution et des objectifs opérationnels. » L’ARS devra donc traduire dans un seul schéma d’organisation les orientations retenues.
Dialogue territorial et conseil territorial de santé
Si les ARS peuvent sortir renforcées de cette unification des schémas, l’amélioration du dialogue territorial en devient dès lors plus importante. C’est dans cette perspective que l’APVF a défendu le maintien des conseils territoriaux de santé, qui avaient été supprimés par le Sénat. Ces conseils territoriaux ont vocation à remplacer les conférences territoriales de la loi Hôpital, patient, santé et territoire (HPST).
Définis à l’article 38, ils seront composés « de représentants des élus des collectivités territoriales, des services départementaux de protection maternelle et infantile mentionnés à l’article L. 2112-1 et des différentes catégories d’acteurs du système de santé du territoire concerné » et auront notamment pour mission de contribuer « à l’élaboration, à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation du projet régional de santé, en particulier sur les dispositions concernant l’organisation des parcours de santé. » L’APVF restera attentive à ce que les règlements qui définiront plus précisément son fonctionnement et son rôle maintiennent une compétence la plus élargie possible, notamment en matière de répartition de l’offre de soins, et instaurent les conditions d’une consultation pérenne, sincère et constructive.
Equipes de soins primaires
A la place du service territorial de santé au public, l’article 12 instaure les « équipes de soins primaires » qui regroupent autour du généraliste des professionnels de santé qui choisissent d’assurer, sur une base concertée, leurs activités de soins de premier recours. Elles peuvent exercer au sein d’un centre de santé ou d’une maison de santé mais également en dehors d’une organisation juridique.
Communautés territoriales de santé
L’article 12 bis crée les communautés professionnelles territoriales de santé regroupant des professionnels de santé du premier recours (et donc les équipes de soins primaires), du second recours et les acteurs sociaux et médico-sociaux. Chaque communauté professionnelle a vocation à élaborer un projet de santé à transmettre aux ARS, qui précisera en particulier le territoire d’action de la communauté professionnelle territoriale de santé. En cas d’absence d’initiative des professionnels, les ARS pourront contribuer à leur mise en place en concertation avec les unions régionales des professionnels de santé et les représentants des centres de santé. Afin de répondre aux besoins identifiés dans le cadre des diagnostics territoriaux, et sur la base des projets de santé des équipes de soins primaires et des communautés professionnelles territoriales de santé, l’ARS agence pourra conclure des contrats territoriaux de santé. Ce contrat définira l’action assurée par ses signataires, leurs missions et leurs engagements, les moyens qu’ils y consacrent et les modalités de financement, de suivi et d’évaluation.
Hôpital et service public hospitalier
L’article 26 redéfinit un service public hospitalier différent de celui de la loi HPST. La notion de service public hospitalier prévoit désormais quatre conditions pour les établissements et les professionnels y participant : l’accueil adapté dans un délai correspondant à l’état de santé, la permanence d’accueil et de soins, l’égalité d’accès, l’interdiction des dépassements de tarifs et d’honoraires. Il permet également la prise en charge par l’État des dépenses des établissements pour la formation des médecins, des odontologistes, des pharmaciens et des professionnels paramédicaux.
Groupements hospitaliers de territoire (GHT)
L’article 27 prévoit l’obligation pour les établissements publics de santé de se constituer en groupements hospitaliers de territoire (GHT), qui doit favoriser une mutualisation des moyens, notamment financiers et humains, entre infrastructures hospitalières. Ces groupements n’auront pas de personnalité morale (pas de chef de file) mais devront réunir des établissements de santé autour d’un « projet médical partagé ». Or, dans un premier temps, ce « projet médical partagé » était un « projet médical unique » qui menaçait l’indépendance des petits hôpitaux, qui verraient leurs marges de manœuvre et leur indépendance fortement réduites dans ce cadre. L’APVF s’était donc fortement mobilisée et a accueilli favorablement la décision de mettre en place un « projet médical partagé » et non unique ou commun. Ce projet devra « (garantir) une offre de proximité ainsi que l’accès à une offre de référence et de recours ». Ces GHT et ces plans devront être mis en place au plus tard le 1er juillet 2016.